Une vingtaine de riverains jugent les cloches de la collégiale de Colmar beaucoup trop bruyantes. Particulièrement le dimanche, jour de repos sacré. Via leur avocat, ils passeront à l'action (de justice) le 18 mars si le niveau sonore n'a pas baissé d'ici là.
Une querelle de clocher. Dans notre cas, il faut prendre l'expression au pied de la lettre. Une vingtaine de riverains de la collégiale de Colmar se plaignent des nuisances sonores générées par les cloches dominicales. Un outrage à leur sacro-sainte grasse matinée. L'histoire pourrait prêter à sourire si les choses ne s'étaient pas envenimées depuis quelques semaines. Tant et si bien qu'elle pourrait finir devant le tribunal des hommes. Pour celui des âmes, ça, je ne sais pas.
"Noir c'est noir"
Quoi de neuf sous le micro-climat colmarien? Rien ou presque rien et c'est là que le bât blesse. Depuis que certains riverains se sont plaints du volume des cloches de la collégiale le dimanche, l'archevêché semble faire la sourde oreille. Tout juste a-t-il concédé une réduction de 5 minutes du temps de prestation de ces fameuses cloches. Depuis le 24 février, elles démarrent à 10h20 et non plus 10h15 pour finir leur grand oeuvre à 10h30. Insuffisant selon maître André Kornmann, l'avocat des plaignants : "Ce geste n'a aucun sens. Le problème n'est pas la durée mais le volume sonore. Ce n'est pas ce que mes clients attendent. Quelle que soit la durée, les cloches les réveillent."L'aiguille passe dans le rouge exactement de la même manière que lorsqu'on l'a testé avec Noir c'est noir de Johnny à fond
André Kornmann, l'avocat des plaignants
Il faut dire que d'après les plaignants et leur avocat, ces cloches réveilleraient un mort. Johnny Hallyday en l'occurence. "On a placé des audiomètres amateurs dans les appartements proches de la collégiale, chez mes clients vivant à 400-500 mètres. On a fait un comparatif. L'aiguille passe dans le rouge exactement de la même manière que lorsqu'on l'a testé avec Noir c'est noir de Johnny à fond. Nous avons fait des mesures le 24 février, le 3 et le 10 mars et à chaque fois le niveau sonore est le même." Oui gris c'est gris et c'est fini oh, oh.
Pschiiiiittt
"C'est comme une cocotte-minute vous savez. Au début, on est gentil, on temporise. Ensuite, on demande poliment et puis plus poliment du tout. Et pour finir, on explose." Et l'explosion risque de faire beaucoup de bruit. "C'est clair, si lors de la prochaine mesure dimanche prochain, les niveaux sont toujours aussi élevés, on passe à l'action." Aux actions en justice. "Je vais saisir le juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar pour demander un arrêt de ces cloches le dimanche jusqu'à 12h30 avec une astreinte de 10.000 euros par manquement constaté."
Je conseille à l'Eglise le silence des carmélites ou des trappistes plutôt que les volées de cloches. Qu'elle se la joue discret vu ce qui se passe en ce moment en son sein.
André Kornmann, l'avocat des plaignants
Et ce n'est que le début. "Nous saisirons le procureur de la République pour mise en danger de la santé d'autrui et pour tapage. Puis selon les résultats des deux premières procédures, nous finirons à la chambre civile pour des dommages et intérêts." Du lourd quoi, aussi lourd que le bourdon de Saint-Martin de six tonnes. Et l'avocat d'asséner un dernier coup. Un coup bas. "Je conseille à l'Eglise le silence des carmélites ou des trappistes plutôt que les volées de cloches. Qu'elle se la joue discret vu ce qui se passe en ce moment en son sein."
La tempérance, vertu cardinale
Joint par téléphone, le père Bernard Xibaut, chancelier de l'archevêché de Strasbourg se veut tempéré à défaut d'être charitable. "Ecoutez, on a essayé d'être conciliants. On a enquêté pour voir si les ordonnancements des cloches étaient bien respectés (durée, ryhtmes, etc). J'ai dit que s'ils ne l'étaient pas, car parfois, il y a des manquements de la part des sacristains, ils devraient l'être. A partir de maintenant, la durée est respectée."
Depuis que la collégiale existe, c'est-à-dire des siècles, personne ne s'est jamais plaint de ces cloches
Le père Bernard Xibaut, chancelier de l'archevêché de Strasbourg
Pour le reste, Bernard Xibaut ne comprend pas: "Depuis que la collégiale existe, c'est-à-dire des siècles, personne ne s'est jamais plaint de ces cloches. Aucun riverain n'est jamais venu s'en plaindre directement. Nous n'avons eu aucun contact avec les plaignants que représente M. Kornmann. Tant qu'on n'aura pas de vrais riverains en face de nous, on ne fera rien."
Pour l'archevêché, il n'y a pas de mystère mais un miracle, une sorte de consubstantialité. "On a demandé à M. Kornmann les noms des plaignants pour les contacter directement. Il a toujours refusé. Nous ne savons même pas qui ils sont ni même s'ils existent. Non. Les gens, c'est maître Kornmann." Voilà, tout simplement.
"Il fait ça pour exister. Il a trouvé cette histoire de cloches pour faire une fois encore son agitateur. Il est connu comme le loup blanc à Colmar, on a été mis en garde plusieurs fois. C'est un agitateur. Qu'il fasse ses recours en justice, la justice le connaît très bien aussi." On a beau être très fervent catholique, on perd parfois son amour du prochain.
Quand on a de belles cloches comme celles-là, on a envie de les entendre
Le père Bernard Xibaut, chancelier de l'archevêché de Strasbourg
L'archevêché a mandaté un expert campanologue mais le père Xibaut n'a pas l'air de trop compter dessus: "Ah? Il doit rendre ses conclusions demain, vendredi 15? Si vous le dîtes." Il a surtout l'air de tenir au rituel dominical: "Les cloches à 6 heures du matin, je comprends que cela puisse gêner, mais là le dimanche à 10h20, faut être raisonnable. On peut faire la grasse matinée mais quand même..." Et de continuer son prêche: "Quand on a de belles cloches comme celles -là, on a envie de les entendre" en rajoutant bien vite "sans en abuser bien-sûr."
L'histoire n'est pas prête de se conclure, à l'amiable en tous cas. D'autant qu'arrive à grands pas Pâques et ses volées de cloches.